Une chance que tu sois seule et que le reste de ton équipe est ailleurs actuellement, sinon Alyx, tu te serais certainement attirer de drôles de regards, et peut-être même une remarque, voire une mise en garde de ton Omega en acceptant si facilement de devenir la Veïla - pour reprendre le terme qui sied ici - de ce petit garçon. Si l'engagement d'une marraine n'est pas celui d'une mère, c'est tout de même quelque chose que d'accepter un lien comme celui-ci avec un enfant né sur une planète que tu ne connaissais pas il y a encore une semaine. D'ailleurs, tu ne te dis même pas que si ça avait été ailleurs, si ça n'avait pas été cet endroit et la sensation qu'il te procure, tu aurais décliné poliment … Comme quoi, Alcal'i, sans que tu ne le saches, à une certaine importance pour toi.

En tout cas, ton accord donné, l'homme vient poser sa main par-dessus la tienne, laquelle est toujours délicatement posée contre le nourrisson, il reprends le pot fumant que tu avais déjà remarqué, l'odeur est douce, elle ne te donne pas le moindre haut le cœur, ne t'arraches pas de toux désagréable non plus. Probablement des plantes bien spécifiques. « Moi, Alyx, jure de t'acceuillir en tant que Veïla, et sous mon regard, te voir honorer Mira. » Tu répètes, mot pour mot, les paroles soufflées par le Thal, tout en gardant l'œil fixé sur le bébé, puis tu relèves le nez au moment même ou Kazel se décide à retirer sa main de la tienne et à reculer. C'est ce moment que tu choisis pour questionner sur ce que tu as pu ressentir depuis ton arrivée ici, tu n'as jamais ressenti quelque chose comme ça, tu l'assimilerais presque à ce qu'on peut ressentir quand on rentre chez soi après une longue absence, mais tu n'as jamais ressenti une telle chose sur la planète où est installée ta grand-mère, c'est pourtant là que tu as passé une grande partie de ta vie, toute ton enfance, ton adolescence aussi.

C'est l'une des vieilles dames qui prend la parole, cependant, ses mots sont atrocement énigmatiques … Elle parle de famille, mais tu n'en as  jamais eu ici, tu sais que tu n'es jamais venue, tu as beau forcer sur ta mémoire Alyx, rien ne te reviens concernant Alcal'i, c'est si flou Alyx, que tu te contentes d'observer Nina sans qu'aucun mot, aucune question supplémentaire ne puisse s'échapper de ta bouche. Kazel s'avance pour saluer le duo de sage-femme, et tu te décides à bouger pour leur offrir plus ou moins la même chose avant de suivre le Thal, toujours atrocement silencieuse, songeuse. A tes côtés, l'homme est tout aussi silencieux et tu te contentes de le suivre, tu ne demandes même pas où il t'emmène comme si quelque part tu avais déjà placé ta confiance en lui, ce qui, il faut le dire ne te ressemble pas Alyx. Oui, tu as toujours été ouverte, mais tu n'en demeures pas moins une exploratrice de l'Alliance qui sait parfaitement que la méfiance est une bonne alliée…

Lorsque tu te sors un peu de cet état de réflexion pour observer ce qui se trouve autour de toi, tu te retrouves face à un paysage à couper le souffle, de grands arbres, beaucoup de vert partout, et cette maison nichée au creux des branches comme si l'arbre lui-même lui avait donné naissance. Tu t'assieds sur l'un des tabourets, laissant échapper un long soupir de lassitude, constatant qu'en effet, il était temps que tu prennes une pause, que tu t'arrêtes un peu de t'agiter, que tu souffles. Cependant, quand le Thal se remet à parler, tout est à nouveau énigmatique, flou … insensé, même. « Je vous l'ai dit … l'Alliance n'avait pas votre planète dans sa base de données, et moi je n'ai jamais voyagé avant de devenir exploratrice. » Et pourtant Alyx, tu es incapable d'expliquer autrement ces sensations, cette familiarité avec quelques mots de la langue, et avec le Thal. C'est d'ailleurs probablement ce dernier élément qui te trouble le plus, comme s'il y avait un lien entre Kazel et toi, comme si vous vous étiez croisés à un moment de vos vies, avant d'être séparés, c'est comme pour la planète entière, tu as l'impression de retrouver une personne importante. Plus troublant encore, le sentiment - même s'il semble différent chez lui - est partagé, et ça, Alyx, ça semble prouver que tu n'es pas en train d'halluciner…

Alors, finalement, après tout ça, la solution, ou du moins l'idée que t'offre le Thal - celle de souffler un peu et de prendre le temps - ne te sembles pas si mauvaise. Ce n'est pas pour ça que tu es là, et d'ordinaire tu ferais les choses autrement, tu serais déjà en train de le presser pour bouger, continuer d'explorer et de voir de nouvelles choses, mais les circonstances font qu'après un nouveau soupir tu acceptes d'essayer de te détendre un peu. Tu restes silencieuse durant un long moment, tu te prends au jeu jusqu'à même fermer les yeux comme dans ces moments de repos que tu t'accordes parfois, assise à ton bureau. « Je n'ai jamais connu mes parents. » Et tu ne sais pas pourquoi, tout à coup tu parles de tes parents parce que c'est un sujet que tu n'évoque jamais, même avec ceux qui te connaissent bien. Tu ne sais rien d'eux, il n'y a pas grand-chose à en dire … Mais à ce moment, ça te paraît important de les citer. « J'ai rarement entendu ma grand-mère parler de mon père, son fils, mais je ne sais rien sur ma mère … Il ne me reste que ce bijou dont je ne sais rien, je ne sais même pas s'il avait vraiment une quelconque importance pour elle. » Tu reprends le bijou entre tes doigts, de manière à le lui montrer. « Je ne sais pas pourquoi je pense à eux maintenant, peut-être parce que c'est la partie inconnue de mon existence, l'incompréhension, tout comme cette planète … et tout ce qui s'y rapporte. »

Elle a tout fait, ta grand-mère, pour que tu ne manques de rien, et que l'absence de tes deux parents soit la plus discrète possible dans ton évolution. Très franchement, ça a été un succès, parce que si tu as parfois poser des questions à leur sujet, ça n'a toujours été que de la curiosité, tu te sentais aimée auprès de ta grand-mère, elle a toujours été assez forte pour aimer en double. C'est quand tu as commencé à te rendre compte que tes questionnements sur tes origines étaient douloureux pour elle que tu as cessé de creuser, c'est un sacrifice que tu as fait, mais tu l'as fait sans regret et à partir du moment où tu as pris cette décision tu n'es jamais revenue dessus.

Aujourd'hui, pourtant, tu abordes ces inconnus que sont tes parents, ceux dont tu ignores même les prénoms, l'histoire mais aussi et surtout les origines. C'est en cela que c'est intéressant, de toute évidence quelque chose te relie à cette planète, et de tout ce qui te composes, tes deux parents sont la plus sombre des zones d'ombre. Tu ne peux rien en dire, tu ne peux rien expliquer à leur sujet, tu ne peux que citer le fait que tu ne sais rien d'eux et tu peux montrer ce pendentif que tu tiens de ta mère, c'est tout ce qu'en as dit ta grand-mère. Ton père tenait à ce que tu l'aies, plus grande, il venait de ta mère. C'est tout. C'est peu, et pourtant lorsque tu montres clairement le petit bijou au Thal, lui semble le reconnaître, ou du moins, l'identifier avec une certitude qui te déstabilise, sur le moment. « Une quoi ? » Un bijou tout à fait typique de cet endroit, à l'entendre, un présent offert par un Thal à l'un de ses filleuls. Il n'y a qu'un clan qui a cette tradition, ici, et forcément, tu songes déjà à aller les rencontrer parce que maintenant que tu sais tout ça, Alyx, cette histoire devient encore plus personnelle : maintenant, il s'agit de tes origines inconnues qui pourraient, contre toute attente, trouver leurs racines ici. « Elle était à ma mère, c'est une certitude, c'est l'une des rares choses que je sais et dont je suis sûre en lien avec ma mère. »

Et il semble lire dans tes pensées, Alyx, parce qu'avant même que tu n'aies eu le temps de demander à aller rencontrer ces gens des montagnes, il annonce vôtre départ pour vous y rendre dès le lendemain. « D'accord. » Tu acceptes, et franchement Alyx s'il ne prenait pas le temps et la peine de te rappeler Maleki, tu aurais très certainement oublier de prévenir ton supérieur tant ton esprit est ailleurs, désormais. « Merci, Kazel. » Il n'est pas obligé de le faire, que ce soit de t'apporter les réponses, ou bien de t'accompagner et de te guider, cela dit, quelque chose te dis que lui aussi cherche quelque chose, des réponses, même si tu ne sais pas sur quoi exactement.