« Dépêches toi, JJ. Tu traînes. » … Non. Tu ne traînes pas, d'abord, tu observes. Tu écoutes. Tu prêtes attention au monde qui t'entoure. C'est que t'as appris ton père, ce que vous a appris votre père. Alors pourquoi est-ce qu'il file comme ça, à travers la forêt, sans prendre la peine de regarder, de chercher, de fouiner ? « Hé, tête de pampoui, t'es pressé, t'as un rancard ? » Un pampoui ? Oh, c'est simplement un gros fruit très laid – mais délicieux – qui ne pousse qu'ici, sur Katashan. Votre planète. Tu l'entends grogner, ton frangin, protester aussi alors qu'une branche vient le chatouiller d'un peu trop prés. Il n'a pas envie d'être ici, ce débile. Non, lui … c'est pas son truc, la chasse, où seulement quand il en a envie. Il passe son temps à faire le coq, c'est comme ça. Et quand on l'oblige à faire ce qu'il n'a pas envie de faire … voilà comme il réagit. Il le fait, et il bâcle. « Hého. T'as qu'a faire attention, ça ira plus vite. » Lâches-tu. Toi t'aimes ça, la chasse. Et puis de toute façon, faut bien manger. Papa est malade. Rien de grave, hin. Mais il est cloué au lit, et les réserves sont vides. Plus un gramme de viande. Faut bien se nourrir, et votre mère n'a que vous deux pour prendre le relais. C'est la moindre des choses, et toi, tu prends ça à cœur. Pas lui. « Dis tu m'écoutes ? Tu pourrais marcher sur un Sagyar que tu t'en rendrais même pas compte ! » … Et d'ailleurs. Voilà que tu stoppes ta progression. Nette. Comme ça. Tu t'arrêtes. Et puis tu ne bouges plus. Tu fixes ton frère, là droit devant qui continue de foncer tête baissée à travers la forêt … sans prêter attention à ce grognement, ou à ces glissements léger contre les feuilles. Il n'a rien vu. Il n'a rien entendu. Et pendant qu'il fait le kéké, il vient d'être prit en chasse par le seul ennemi de l'homme sur votre planète : un Sagyar. Tant pis. Au moins, toi, tu l'as repéré. Juste là, à quelques mètres. Il avance, baissé. Et tes mains, tes doigts se resserrent sur ton arc que tu bandes pile au bon moment. L'animal bondit, et tu tires. La flèche file, elle siffle et vient se planter dans le flanc de la créature. Plein cœur. Le sang bien rouge, gorgé d'oxygène se répand sur le sol … là, aux pieds de ton frère qui vient enfin de consentir à s'arrêter. « Tu l'portes, hin. »


« Si tu crois que je vais passer ma vie ici … » Il te regarde étrangement, ton frangin. Faut dire qu’au final, toi t’as l’air de t’y plaire sur ta petite planète de sauvage. Y a pas grand-chose ici, à part des Sagyar et quelques villages qui vivent essentiellement de la chasse de ces bestioles … mais toi, tu ne t’en ai jamais plainte bien au contraire. Tu chasses tous les jours. Tu sembles prendre plaisir à cette vie alors … alors tu as du le surprendre. Il te fixe comme s’il attendait la suite. Des explications. Mais tu restes un petit moment bien silencieuse, là perchée sur ton gros caillou à admirer le paysage de cette planète qui t’as vu naître. Encore plus étonnant. « Tu me fais peur. » lâches t il alors, provoquant chez toi un petit rire. Non. Tu as beau aimer Katashan. .. En réalité,  tu ne rêves que d’une chose : explorer. Voir la galaxie. L’univers tout entier. Voyager par delà la ciel au milieu des étoiles et poser les pieds un peu partout. Voir d’autres races. D’autres peuples. D’autres créatures.


On se calme. On se calme. On. Se. Calme. « Jeager ... » Tu as beau fixer le ciel ; il n'y a rien. Rien du tout. Pas l'ombre d'un chasseur, d'une navette. Il reste gris, ce ciel. Nuageux. Et puis c'est tout. Et les secours que tu attends désespérément, ils n'arrivent pas. Toi, tu t'en fiches au fond. Tu n'es pas blessée, tout va bien. T'as l'habitude des forêts, l'habitude des bestioles … tu t'es pas faites avoir. En revanche, pour le reste de ton équipe, c'est une autre paire de manches. Ils sont dans un sale état. Deux d'entre eux sont déjà morts … parce que vous êtes tombés sur les mauvaises créatures. Sur un nid complet de Tikmosh. Tu en as éliminer quelques unes, avant qu'elles ne s'accrochent à toi. Tu as tiré votre Oméga en dehors de cette zone … mais trop tard. L'homme est là. Il agonise, et près de lui, c'est la même chose pour ta dernière équipière. « Jeager ! » Il t'appelle. Tu ne veux même pas l'approcher, parce que tu sais ce qu'il va te dire. Tu sais bien que c'est perdu d'avance, tu sais ce que font ces choses, tu sais qu'en règle générale … on ne parvient pas à les retirer. Il n'y a pas de solutions. Ton supérieur est déjà à bout de forces … même si les secours arrivaient maintenant, ça ne changerait rien. Et puis la zone est difficilement praticable. Tu es seule, tu ne peux pas porter tout le monde. Tu n'as réussi qu'a les mettre à l'abri de cette grotte, dans cette forêt épaisse. « Partez ... » Et béh voilà. Tu te retournes lentement, très lentement … elle s'est endormie. Et lui, il te fixe. Il te supplie pratiquement du regard. « C'est un ordre, Jeager. Partez, rejoignez le point. Tout de suite ! »


« Je suis pas faite pour ça. » Un ricanement, et puis un autre. Oméga, toi ? Une belle blague. Une belle, grosse blague. Tu es bien trop jeune, bien trop … bien trop toi. A quoi est-ce qu'ils pensent ? Franchement. T'as même plus d'équipe. Elle va juste se constituer, comme ça, au fur et à mesure et tu sais déjà que tu vas hériter des débutants. Ce que tu ne sais pas, JJ, c'est que tu hériteras aussi des rebuts. Ceux dont personne ne veut. Les récalcitrants, les cinglés. Comme si tu étais capable de dealer avec ça, au quotidien. Tu grignotes quelques cacahuètes. Et puis, tu avales la dernière gorgée qui traîne dans ton verre pratiquement vide. « Sérieux ... » Tu continues de protester. Bien sur. Et puis tu te lèves. Tu soupires … tu ne sais pas à quoi t'attendre mais franchement ; ça te saoule déjà.


Et pourtant, JJ. Le moins que l’on puisse dire, c’est que tu t’es plutôt bien acclimatée à tes nouvelles fonctions. Et tu sais quoi ? Finalement, ça te plait. Finalement, tu te sens à ta place dans ce rôle. Tu as une nouvelle équipe, une troupe devenue unique au sein de la FEA parce que oui, tu ne manques évidemment pas une occasion de faire parler de toi. Probablement pour ça qu’il y a quelques mois, subitement, ta troupe a été mutée, avec toi, sur le Zéphyr. Breaking News : tu n’as pas apprécié d’être balancé hors de l’Alizé comme une vulgaire crotte de Sagyar. Alors oui, JJ, tu as fais des pieds et des mains pour retourner là d’où tu venais : manifestation pour la bouffe à la cantine, libération de quelques Kavats et Kubrows dans les couloirs, matériel mystérieusement égaré et pièges aussi débiles qu’immatures. Non, vraiment, ils en eu tellement marre que c’est avec une joie non dissimulée qu’ils t’ont renvoyée sur l’Alizé.